Chapitre 9

Ce que les Anges ont de commun avec les Elfes

Chapitre 8Chapitre 10
J

e ne vous ais pas encore parlé de Religion. C’est un problème que j’aurais préféré éviter d’aborder, mais le Cardinal « qui n’a pas de nom » m’oblige à vous en dire quelques mots.
A vrai dire, à mon époque, je ne m’en souciais déjà pas beaucoup. En 3400 et quelques, c’est devenu le moindre de mes soucis. Et pourtant…

Je ne voudrais pas vous révéler votre futur. Au mieux, je ne sais pas quel effet cela pourrait produire sur vous. Au pire, cela n’arrangerait sans doute rien et pourrait peut-être même envenimer les choses. Mais ce que je vais me contenter de vous dire va peut-être vous faire sauter au plafond. Si c’est le cas, veuillez accepter toutes mes excuses.

En 3400 et quelques, peu de gens s’intéressent à la religion. Je crois qu’en moyenne, cela représente moins de 2% de la population par planètes. Bien sûr, il y a des mondes beaucoup plus préoccupés par Dieu et tout le reste, et d’autres qui ne possèdent aucun lieu de culte. En fait, toutes les cultures s’étant tellement mélangées au cours des siècles depuis mon époque, surtout après le fait important que je ne vous réveillerais pas – pour votre bien – presque toutes les religions ont fusionné en une seule qui réunit comme on pourrait l’imaginer le meilleur de chacune… ou le pire, c’est selon le point de vue.
Quoi ? Oui, il ne reste aujourd’hui à peu prés qu’une seule religion qui réunit ces 2% d’habitants de notre galaxie. C’est peut-être difficile à croire, mais c’est ainsi.

Quand vous savez que la galaxie est composée de centaines de milliards d’hommes, je vous laisse imaginer ce que représentent ces 2%. Pourtant, ceux-ci sont discrets, ne s’occupent principalement que de bonnes œuvres, à aider les plus démunis et les plus perdus, sans intervenir d’une manière ou d’une autre dans la politique qui oppose la Fédération, l’Empire, d’une moindre mesure la Ligue des Marchands, et pas du tout les pirates. Encore moins tous les systèmes situés à la périphérie des mondes habités où règne l’anarchie. Quelques uns des Importés prient encore, mais eux aussi se font rares.

La nouvelle religion n’a pas vraiment de nom. On l’appelle simplement la Religion. Et de l’extérieur de celle-ci, on appelle ceux qui croient en elle simplement les Croyants, qu’ils soient vêtus en civils ou portent un quelconque signe distinctif, le Signe de Vie, une robe, une soutane, un kamis, ou je ne sais quel autre objet ou habit de culte (remarquez à quel point je n’y connais pas grand chose !).

Bien qu’il reste quelques vestiges des anciens lieux de cultes attachés à l’histoire sur Sol 3 (la Terre), les représentants de la Religion les ont quittés pour un autre système. Nous verrons lequel plus tard. Je devrais dire lesquels, car même dans cette religion unique il existe des dissidences. Et d’une de ces dissidences provient le Cardinal « qui n’a pas de nom ». C’est un extrémiste, prêt à tout, comme il en a toujours existé, et il a agit de sa propre initiative, suivi par ses fidèles, contre l’avis du Grand Pape-Imam Alfred-Abdelhafid Ramdani lui-même.

Lorsque le Cardinal « qui n’a pas de nom » a appris l’Événement, il a cru voir venir la fin de la Religion. Alors il a engagé les 12 apôtres dans la destruction des preuves. Les 12 apôtres étaient déjà prêts depuis longtemps, au cas où, et leur construction n’était qu’un des secrets du Cardinal.<
Certaines ramifications des religions, pour ne pas dire la plupart, ont toujours vu Dieu comme le créateur de l’Univers, et comme l’Homme la réussite de sa création. Les Elfes n’ont rien à faire là dedans, et leur découverte est l’Evènement, selon le Cardinal, qui mettra un terme au 2% restant de la population de Croyants ; Bref, à l’écroulement et à la négation totale de ce que la Religion a toujours prétendu.
Comment le Cardinal « qui n’a pas de nom » a été au courant de la découverte des Elfes ? Si vous déteniez un certain pouvoir sur une quantité non négligeable de fidèles, ne prendriez-vous pas garde, grâce à quelques hommes de main, à ce que ces fidèles vous restent dévoués ?

Voilà, vous avez de quoi comprendre pourquoi on veut détruire les Elfes. Vous apprendrez plus tard comment on en est arrivé là, comment le Cardinal « qui n’a pas de nom » a pris conscience de leur découverte, et pourquoi il a – quelque part – eu raison de prendre peur.

Voilà le tableau.

* * *

Savoir calculer une trajectoire dans l’espace en fonction de tous les objets stellaires qui le composent, même si les ordinateurs le font le plus souvent à notre place, a toujours été l’apanage des grands navigateurs ; un ordinateur manque toujours d’imagination lorsqu’il faut se sortir de situations inhabituelles, voir catastrophiques. On peut dire que Wallen Al-Baz est un de ces bons pilotes.

J’ai programmé Sony pour faire vibrer mon lit en cas de danger pendant mon sommeil. Je me réveille en sursaut et Sab à côté de moi m’adresse un regard apeuré et interrogateur. Je la regarde dans les yeux, j’essaye de prendre un air confiant et pose un doigt devant ma bouche pour lui intimer de ne pas émettre un son. Elle répète mon geste et semble comprendre. Il faut croire qu’entre nos deux civilisations il y a des expressions qui nous sont communes…

« Sony, rapport !
– Un croiseur de la marine de la Fédération vient de rejoindre notre espace, me dit-elle calmement.
– Précisions ? Je lui demande en m’empiégeant dans mon pantalon qui traîne au sol pour attraper le tee-shirt posé au bout du lit. Bref, je me casse la figure, ce qui fait rire l’Elfe, mais le regard de dépit que je lui adresse s’efface vite derrière la beauté de ses yeux et de son visage tôt le matin. Je ne peux m’empêcher d’être admiratif devant son visage. Mais elle retient son rire en couvrant sa bouche d’une main.
– Fédération, 3ème flotte, croiseur de tête, numéro de matricule…
– Ça va, ça va ! J’interromps Sony. Il est où ? Il fait quoi ?
– 15,8 milliards de kilomètres, sortie entre les trois étoiles en direction d’Olsoex « A,B2 », procédure de décélération similaire à la notre ».

Olsoex « A,B2 » est un corps très grand gazeux, celui qui vient juste après notre étoile brune naine « A,B1 » dans l’ordre des corps orbitant autour des deux étoiles principales, Olsoex A et B. Je ne vois pas trop quel capitaine est capable d’engager un croiseur dans une sortie de TN pareille. Mais en tout cas, mes espoirs de nous planquer dans le coin sont foutus.

« Sony, tous systèmes en veille, s’il te plait ! » dis-je tout doucement et en montrant une nouvelle fois à l’Elfe mon doigt devant mes lèvres pour réclamer le silence le plus total. Si l’on ne veut pas être détecté, c’est comme dans un sous-marin, il ne faut faire aucun bruit, n’émettre aucune onde, aucune radiation d’aucune sorte. Sab semble comprendre et reste calme sur le lit, n’osant pas faire le moindre mouvement. A partir de maintenant, toutes les fonctions du vaisseau seront en veille. Seul l’air sera renouvelé, seul les écrans de contrôles resteront activés, et même la température ne sera pas maintenue dans toutes les pièces du vaisseau, sauf dans la cabine arrière du petit transporteur dans lequel j’emmène Sab en la portant doucement dans mes bras. Je peux dire adieu à mes plantes qui vont inévitablement geler ! A l’arrière du petit transporteur, il y a un autre poste de commandes, et c’est pratiquement le seul endroit où je pourrais agir sans être détecté du croiseur. Remarquez, celui-ci sera bientôt occupé par autre chose.

Le croiseur est toujours en décélération, ayant effectué une rotation de 180 degrés dés la sortie de son TN, et allumé ses propulseurs pour les pousser au maximum de leur puissance afin de ralentir sa sortie dans le système lorsque j’entre dans le poste de commandes. Il faut dire que les propulseurs du croiseur sont autrement plus puissants que les miens. Sa décélération en est donc d’autant plus rapide. Sab est toujours dans mes bras en me regardant d’un air admiratif, et je la pose doucement sur la couchette qui occupe une partie du petit habitacle le plus protégé du transporteur.
Ce qui va se passer restera aussi dans les mémoires de la marine de la Fédération.

On ne peut pas dire que le général Wallen Al-Baz soit un petit commandant de bord. Aussitôt que la vitesse de son croiseur est suffisante pour lui permettre de cracher toutes ses unités, je vois sur un de mes écrans de contrôle une trentaine de frégates en tous genres escortées par une soixantaine de corvettes en position de défense, la petite centaine de chasseurs partant à pleine vitesse en direction du trou noir qui commence à se refermer.
Dans les archives de la marine et les films qui retracent cette histoire, les déplacements des troupes paraissent harmonieux et en bon ordre. Dans la réalité, c’est autre chose : la vitesse du croiseur étant encore tellement grande que les vaisseaux annexes en sortent dans le désordre et c’est le bordel le plus total, certaines unités se heurtant même pour finir en boules de feu. Ce que les historiens ne diront pas non plus, c’est que c’est ce désordre qui a sauvé le général.

Tout cela se passe en quelques secondes. Je vois encore le croiseur ouvrir le feu de ses gigantesques tourelles, canons, lances torpilles et lances missiles en direction de sa sortie du TN, et toute sa flotte essayant de se mettre en ordre tant bien que mal lorsque surgissent du néant, juste là où le croiseur vient de diriger ses tirs, dix des onze vaisseaux du Cardinal « qui n’a pas de nom ». C’est sans doute la surprise dans l’esprit des capitaines de ces dix vaisseaux noirs, en découvrant les mouvements anarchiques des troupes du général et les tirs du croiseur, qui les fait répondre à leur tour chacun de deux missiles Sub-L sans vraiment calculer leurs cibles et leurs trajectoires. Mais là ou précédemment le général Al-Baz a échoué, il réussit : les vingt missiles viennent fondre sur les frégates, les chasseurs et les corvettes sans toucher le croiseur avant qu’ils soient eux même détruits par ce qu’il reste d’organisé de la 3ème flotte de la Fédération. Adieu les dix apôtres. Paix à leur âme. Point barre !

Mais comme moi mais beaucoup plus tard, dans les gigantesques explosions et la désorganisation qui les a précédé et les suivent, le général du croiseur comprend ce qu’il faudra retenir : un des vaisseaux noirs est resté sur Ioaso : celui du Cardinal « qui n’a pas de nom ».

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