Chapitre 8

Ce que les Anges ont de commun avec les Elfes

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A

près son long discours d’une demi-heure et les quelques révélations qui en font partie, chacun des membres du Conseil se regardent. Ceux qui savaient n’expriment sur leur visage que de la confiance. Sur les autres règne l’incertitude. Aussi, lorsque Alpha frappe du poing sur le marbre de son bureau, avec bruit répercuté dans toute la salle du Conseil grâce à la sonorisation qui a été étudiée intelligemment il y longtemps, et créée de manière à ce que chacun des conseillers l’entende fort et clair, toutes les personnes présentes sursautes mais sont prêtes à répondre. Rien n’est laissé au hasard, Alpha ne laisse jamais rien au hasard.

« Nous devons prendre les devants » prononce d’une voix ferme la présidente du Conseil. « Et pour cela, nous devons envoyer rien de moins que la troisième flotte ».
On entend quelques murmures parmi l’assemblée, certains conseillers n’étant pas prêts à prendre une telle décision, mais le regard confiant d’Alpha suffit à amadouer tout le monde. Alpha a toujours été douée pour cela. Aussi, lorsqu’elle demande le vote, presque toutes les mains pressent le même bouton. Les empreintes des doigts sont transmises et analysées par l’ordinateur de l’assemblée, et au milieu de l’immense table autour de laquelle les conseillers sont assis, l’hologramme du résultat des votes s’affiche. Le nombre de « Non » est ridicule. 97% ont répondu « Oui ». Le brouhaha habituel reprend dans l’assemblée comme après chaque décision importante, et l’ordre est déjà donné. Le Général Wallen Al-Baz, commandant de la troisième flotte navale de la Fédération, le réceptionne et de suite distribue ses ordres. De grands trous noirs engouffrent les croiseurs de la fédération après que chacun d’entre eux ait récupéré les formations de chasseurs, de corvettes et de frégates qui la compose. Destination : Ioaso. Il leur faudra plus d’une journée terrestre pour y parvenir en plusieurs sauts. Cependant, leur force de frappe suffira, ou devrait suffire, à mettre en déroute les 11 vaisseaux inconnus.
C’est ce que pense Alpha et quelques conseillers plus renseignés. Toutefois, un autre rapport secret la laisse pensive. Elle a joué une carte dans ce grand jeu, et elle devra la payer. Mais elle n’est pas femme à ne pas savoir se justifier lorsque les problèmes surviennent.
Croyez moi, bien que l’Univers connu continue de vivre en cet instant sans connaître réellement les événements qui vont se dérouler, un jour l’Histoire sera révélée. Alpha le sait.

* * *

Je ne devrais par parler d’elle ainsi, mais Sab, l’Elfe, mon Elfe, m’a suivie à travers les coursives du vaisseau comme un petit chien. Imaginez vous la scène, je marche, je tiens debout à peine, suivi du robot médecin au sourire idiot, et Sab qui ne cesse de courir partout, d’ouvrir toutes les portes, de s’extasier devant le moindre petit objet qu’elle ne connaît pas, de se coller à moi, puis de repartir plus vite encore dans les couloirs du vaisseau. Elle me sourit tout le temps, mais elle se tient toujours un peu courbée comme si elle supportait un poids immense sur ses épaules. A cette heure, je ne le comprends pas encore. Un jour, je le découvrirai. Mais je suis loin de tout cela, ma respiration m’obsède, je respire encore difficilement, c’est juste un petit reste de la crise précédente, un symptôme dirait un médecin (pas le mien qui continue à sourire comme un idiot). Comme tout Importé, je dois supporter cela. Mais croyez-moi, j’en ai marre.
Peu avant d’atteindre le petit transporteur en tête du vaisseau, Sab découvre ma salle de bain. Vous pouvez penser ce que vous voulez, mais il ne lui faut que quelques secondes pour découvrir comment la douche fonctionne, et se déshabiller et rire comme un enfant sous le débit de l’eau. On n’a pas ces choses là chez les Elfes, sauf sous les grandes cascades du premier fleuve à l’Est de la Cité de la Vie. Un jour, je découvrirai la cascade parmi les arbres qui sert de douche à Sab. C’est beaucoup mieux, même si c’est froid. Je vois encore Sab rire en me laissant tout nu et crier lorsque je plonge sous le filet de la rivière qui porte désormais son nom. Ça, c’est l’avenir ! Ce que les Elfes ont de commun avec les Hommes, c’est qu’ils prennent au moins une douche par jour. Quoi ! Vous trouvez bizarre que je dise cela ? Allez vous prendre une bonne douche, et laissez nous en paix.

Sab rie sous le jet d’eau, je ne veux pas la regarder si humaine et si belle s’épanouir comme une enfant. Cela me gène, mais je ne peu rien lorsqu’elle quitte la douche toujours en riant et me saute dans les bras. Elle a pris l’habitude de se pendre à mon cou et de me serrer comme cela. Je ne sais pas pourquoi elle le fait, mais sa joie de vivre est entraînante, aussi je demande au robot médecin de nous essuyer, parce qu’elle a mise de l’eau partout, de la rhabiller, et de l’inciter à me suivre jusqu’au cockpit du transporteur : mon petit quartier général. A vrai dire, cela n’aboutit pas très bien, le robot continue de sourire comme un idiot, et l’Elfe continue de jouer avec l’eau. Ce n’est que lorsque je décide de les laisser jouer et passer à des choses plus sérieuses qu’elle se rhabille d’elle-même et me suit.

J’atteins enfin le cockpit du transporteur et je m’installe confortablement dans le premier des deux grands fauteuils en cuir qui me sert d’habitude à diriger l’ensemble des trois composants du vaisseau. Sab s’assoie naturellement dans le fauteuil du copilote, se crampe aux accoudoirs et prononce des paroles que je ne comprends pas en me montrant l’écran devant nous sur lequel scintille une vue de l’espace. Je crois qu’elle a déjà vécu ce genre de situation. Étrange pour un Elfe qui n’est pas sensé connaître l’espace, non ? L’histoire ne fait qu’avancer.

* * *

L’Empereur ne peut rester sans rien faire devant les événements qui se produisent. Bien qu’il lui soit impossible, comme l’a fait le grand Conseil de la Fédération, d’envoyer une flotte complète à la poursuite des douze, enfin onze, vaisseaux, la carte qu’il joue est son meilleur élément : nous l’avons tous appelé « El Removedor », alias P le « déménageur ». C’est véritablement le meilleur agent secret de l’Empire. On ne sait pas trop d’où il tient son nom. Mais il a la confiance de l’Empereur, et d’autres, dont moi. Curieux non ? Vous comprendrez…

Il me faudra préciser que Charles Elija-As-Bah troisième de son nom est appelé Empereur par la Fédération, mais a toujours été désigné comme Roi par ses sujets. Cela n’est pas si important, mais cela est nécessaire à la compréhension de l’Histoire. D’ailleurs, l’histoire sera racontée et signée des noms qui conviennent. Dans la Cité de la Vie, seul « Roi » sera retenu. Mais cela n’est pas encore. Cela viendra. Les Elfes sauront le moment venu.

P, genoux à terre devant l’Empereur, prend ses ordres et embrasse la main tendue de son grand chef, et file directement dans les magasins spéciaux réservés aux sujets spéciaux. Vous seriez étonné de la diversité de ce que peut offrir ce grand hangar sous terre prés du port de Duval City. Le choix de P est vite fait. Après quelques minutes, son vaisseau chargé quitte le port telle une flèche dans le ciel.

* * *

Sony n’a pas grand-chose à me raconter, si ce n’est le détail des réparations du vaisseau afin de le rendre totalement opérationnel. Posés sur un glaçon de plusieurs dizaines de kilomètres, orbitant autour de Olsoex « A,B1c », nous pouvons admirer les grandes chaînes de gaz qui se disputent la surface de la planète. Ce genre de chose ne m’étonne plus, mais Sab est collée à l’écran devant nous, émerveillée comme une enfant devant un jouet nouveau. C’est vrai que c’est beau. Mais cela ne doit pas nous écarter de l’Histoire. Surtout, je prends la décision de ne pas réveiller les quatre autres Elfes encore en hibernation. Gérer la petite Sab est déjà bien difficile, et si j’avais à jeter un œil sur quatre Elfes aussi enjoués qu’elle, je crois que je n’y parviendrai pas et que je deviendrai vite dingue. Pourtant, mais je ne le sais pas encore, les quatre Elfes, les protecteurs comme on les appellera, sauront me soutenir fermement et sauver Sab. Peut-être est-ce pour cela que je n’apparaîtrai pas dans les représentations futures. Ce n’est pas si important, même si les protecteurs m’ont manifesté leur haute gratitude. Eux savaient, l’Histoire l’a simplement un peu oublié. Ce n’est pas grave, je vous l’ai déjà dit.

Je passe le restant d’une demi-journée terrestre à présenter à Sab la chambre que je lui ai choisi, juste prés de la mienne, et à lui montrer comment se servir des équipements principaux qui l’occupent : douche et toilettes, cela est grandement suffisant. Cependant, elle fait plus. Sab a une réelle intelligence, même si l’on ne se comprend pas, à deviner à travers mes yeux ce que je veux lui expliquer. Même si elle reste un peu agitée, continuant à courir partout, elle semble saisir tout ce que je veux lui faire comprendre. Lorsqu’elle s’allonge sur son lit, fatiguée par cette longue journée, je la laisse s’endormir et rejoints mes propres appartements. Après une douche bien chaude et après avoir pris mes comprimés, je plonge à mon tour dans mon lit et je m’endors rapidement… pour une fois…

* * *

Le Cardinal dont on ne connaît pas le nom exerce encore sa colère sur son équipage à propos de la disparition du premier apôtre lorsque l’ordinateur de bord signal l’arrivée de la troisième flotte de la Fédération. Sept sorties de trous noirs à des millions de kilomètres apparaissent sur les écrans tactiques. La décision du Cardinal adressée aux onze vaisseaux restant et scrutant Ioaso est presque immédiate dans sa colère. Chacun des onze vaisseaux lance deux missiles de classe Sub-L en direction des sept croiseurs de la Fédération qui entament leur décélération. Ceci est une grande page de l’histoire de l’armée, et bien qu’elle fût une défaite, on ne cessera de louer le courage du général Wallen Al-Baz. Des sept croiseurs entrés dans l’espace d’Ioaso, il n’en resta qu’un qui ne décéléra pas et replongea entre l’espace et le temps, le sien, et qui donc ne fut pas détruit.

* * *

Je me réveille vaguement lorsque mon Elfe pénètre dans ma chambre, me rejoint dans mon lit, et me serre contre elle. Je suis tellement fatigué que je ne réagis pas. Nous retrouvons tous les deux le sommeil, sa tête posée sur mon épaule, sa respiration calme berçant le silence de la chambre et accompagnant la danse des étoiles sur l’écran holographique qui me sert de vue sur l’extérieur. Je ne sais si c’est grâce à elle, mais je flotte encore au dessus des arbres de sa forêt lorsque je retrouve les rêves.

* * *

Quelqu’un a dit : « Et tombent les anges en feu, la foudre les entourant de ses éclairs ». Six croiseurs de la troisième flotte s’évanouissent dans la nuit, l’explosion qui les a entraîné vers la fin les laissant comme des étoiles filantes mourir dans la nuit sur leur lancée après leur sortie des trous noirs. Si Ioaso avait été habité, ce spectacle aurait été perçu comme quelque chose de magnifique. Mais rien de moins que trois cent milles marins viennent de trouver la mort.
Allongé dans son caisson de décélération, le général Wallen Al-Baz, malgré la défaite de sa flotte, trouve cela bien ridicule. Quelques secondes encore et il quitte Ioaso dans un autre saut immédiatement déclenché. Sa décision a été rapide. Quelle est sa destination ? Ne réfléchissez pas trop longtemps…

* * *

Vous savez ce que les Elfes ont de commun avec les Hommes ? C’est qu’ils ronflent. Cela me réveille juste avant que Sony déclenche les alarmes d’intrusion.
Pour ce qui est de savoir de ce que les Anges ont de commun avec les Elfes… il vous faudra attendre encore un peu.

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