Chapitre 13

Ce que les Anges ont de commun avec les Elfes

Chapitre 12Chapitre 14

Andqueth : Etoile orange type ‘K’
Masse : 167335.08 masses terriennes
Température de surface : 4000°C

Andqueth 1 : Nirvana : Monde avec vie indigène et atmosphère chargée d’oxygène
Masse : 0.69 masses terriennes
Température de surface : 71°C
Ports stellaires majeurs : Chekov, Oliver
Période orbitale : 80 jours
Rayon orbital : 0.289 A.U.
Excentricité et inclinaison orbitale : 0.210, 16.8°

Anqueth 4b : Planète rocheuse avec atmosphère mince
Masse : 0.16 masses terriennes
Température de surface : -194°C
Ports stellaires majeurs : aucun officiellement
Période orbitale : 13 jours
Rayon orbital : 0.010 A.U.
Excentricité et inclinaison orbitale : 0.045, 23.0°
Particularité : ne peut être analysée par aucun radar, sonde ou système conventionnel

LE PROPHÈTE

L

e Cardinal « qui n’a pas de nom » entre dans le système Andqueth ([-7,4]), son visage aux traits toujours tirés par la haine : difficile d’encaisser la défaite de sa flotte. Le premier Apôtre prend aussitôt la direction d’Anqueth 4b, et, en moins de 24 heures de décélération forcée, se retrouve proche de la petite planète morte. Après avoir été identifié correctement par le système de protection et de voilage (deux bonnes centaines de satellites en orbite haute qui assurent le secret et éloignent ou détruisent tous visiteurs importuns), il peut entamer sa lente descente sous la fine couche nuageuse.

Anqueth : berceau des croyants liés à la cause du Cardinal.
Anqueth 4b : berceau du Prophète.

Alors que son vaisseau est en approche de la surface de la planète et s’orientera bientôt vers le dôme de la station souterraine et le chantier naval principal, le Cardinal prie pour retrouver calme et sérénité dans sa cabine, agenouillé devant l’Ankh suspendue au dessus de son lit spartiate. Sur un autre mur est accrochée la photo du Professeur Richardson, mort depuis quarante ans.
Derrière lui, sur son petit bureau antique de bois véritable reverni des milliers de fois est posé son « Livre de Vie ». C’est le seul objet qui occupe la surface rectangulaire, si ce n’est dans un coin un petit cadre contenant une vieille image montrant l’équipe de recherche du professeur. A la droite de la douzaine d’hommes et femmes souriants qui se tiennent alignés côtes à côtes, on peut apercevoir le visage grave de notre Cardinal. Il apparaît comme tous les autres, quelques rides de pouvoir en moins, habillé du treillis typique des archéologues, mais on peut découvrir autour de son cou l’Ankh de platine qui se détache de son pull de couleur foncée. Curieusement, cette photo est en noir et blanc, ce n’est même pas un hologramme. Elle ressemble aux vieilles photos jaunies de nos grands parents, mais elle n’a que 40 ans dans un univers où la photographie a fait son apparition il y a presque 1500 ans.
Prendre ce genre de veilles photos était une lubie du professeur Richardson. Chaque expédition avait la sienne, montrant tous ces membres juste après l’atterrissage. Le professeur possédait toute une collection d’appareils photographiques anciens. Ça et les recherches archéologiques, c’était son dada. Il était issu de l’école du Louvres, sur Sol 3, l’ancienne terre, et avait mené de nombreuses missions d’explorations archéologiques sur de nombreux mondes, jusqu’à cette dernière. Autant toutes les missions accomplies par tous les explorateurs n’avaient rien révélé d’extraordinaire, si ce n’est quelques planètes habitables ou contenant certains éléments à fort potentiel économique, autant celle-ci allait changer la face du monde.
Aujourd’hui, 40 ans plus tard, le Cardinal est le seul survivant de l’expédition, et cette photo est le seul souvenir qu’il a emporté.

Le Cardinal était déjà Frère lorsqu’il suivait le professeur Richardson. Se retrouver seul rescapé de l’expédition lui valut un certain prestige auprès des Croyants et des hauts fonctionnaires de la Nouvelle Religion : son histoire était héroïque, et je la raconterai peut-être un jour, mais c’est pas nécessaire pour le moment. Toutefois, mû par une obstination sans borne, il gravit les échelons assez vite et atteint le rang de Cardinal tout en conservant ses secrets. Ce sont ces secrets qui le poussèrent à établir sa dictature religieuse sur Andqueth, y rassembler ses plus proches disciples, et recueillir les fonds nécessaires – grâce aux dons de centaines de milliards de croyants adeptes de ses doctrines radicales – à l’accomplissement de son destin.
Les Apôtres ne sont que la face visible de son plan destiné à détruire définitivement ce que la dernière expédition du professeur Richardson a révélé. Et comme il n’est pas homme à faire les choses à moitié, bien que sa flotte ait été presque totalement détruite, il lui reste le Prophète. Presque dix ans ont nécessité sa construction, ainsi que l’enlèvement de dizaines d’ingénieurs hors pairs de Sol et de Facece et le détournement de plusieurs navires de transports de matériaux de toutes natures… toutes ces disparitions ayant été attribuées aux pirates. Le Cardinal était prêt à tout depuis déjà longtemps. Le Prophète est désormais presque terminé ; il sera son bras droit dans l’achèvement de ce qu’il attend depuis quarante ans. De cela, il est sûr, comme il était sûr après l’expédition qu’un jour il faudrait en finir définitivement.

* * *

Je m’approche doucement de mon Elfe. Elle est toujours apeurée et tremblante. Je lui ouvre mes bras dans lesquels elle vient se blottir, mais elle fixe intensément les deux inconnus derrière moi.
Ségui se met à éternuer nerveusement comme il ne l’a jamais fait, et cela ne semble pas vouloir s’achever. Je me relève lentement, l’Elfe toujours pendue à mon cou. Je la rassure en lui parlant doucement dans l’oreille, et elle finit par se calmer, autant que les éternuements de Ségui. Je me tourne vers mes deux compagnons tout en m’efforçant de rester entre l’Elfe et eux comme pour la protéger, et Ségui n’en peut plus de se moucher. Arthur, quant à lui, arbore un visage figé, bouche grande ouverte.
J’attends que Ségui termine de se moucher dans un vieux chiffon qui traîne dans une poche d’Arthur et que celui-ci lui tend (à notre époque, on n’attrape pas de rhume et on ne se balade pas continuellement avec un mouchoir sur soi). Il me lance lui aussi des yeux ébahis. Il est l’heure des présentations.

« Voici Sab ! Je prononce gravement. Comme vous pouvez le voir, c’est une… euh… un Elfe ! »
Sab se blottit contre moi, et après s’être persuadée qu’elle n’a rien à craindre des deux autres, elle émet un léger sourire à leur égard.
Je tente de l’entraîner sur la passerelle mais elle me tire par le bras pour rester dans le vaisseau. J’invite donc les deux autres à nous suivre jusqu’à ma cabine, et c’est là que je leur raconte l’histoire de ma découverte. Comme vous vous en doutez, ils n’en reviennent pas, mais force est de constater qu’ils n’ont pas mieux à faire que me croire. De toute façon, ce sont de vrais amis, ils n’ont aucune raison de douter de moi. Sab reste assise tout contre moi sur le canapé, très calme, et lorsque je n’ai plus rien à ajouter, les deux autres dans les fauteuils en face prononcent en même temps :
« Merde alors ! »
Arthur ajoute un « Par la barbe du Roi ! » aussi convaincant que le Roi n’en a pas. Mais c’est une vieille expression qui vient du précédent chef de l’Empire.

Viennent ensuite tout un tas de questions auquel je m’efforce de répondre, et Sab semble appuyer mes propos de petits hochements de tête comme si elle comprenait nos paroles échangées.

Nous sommes interrompus par Sony qui nous prévient qu’Alissa-Aline nous attend devant la porte de la soute arrière. Je regarde Ségui qui hausse les épaules et arbore un petit sourire. Sony la laisse pénétrer dans le vaisseau et Segui va la chercher pour l’amener jusqu’à nous.
Alissa-Aline (ne prenez jamais la peine de l’appeler simplement Alissa ou Aline où vous auriez chaud aux oreilles), s’arrête sur le pas de la cabine, soutenue par son double, et nous offre elle aussi un regard ahuri en découvrant Sab. Ségui l’accompagne jusqu’au fauteuil qu’il occupait pour l’y déposer doucement et s’asseoir sur l’accoudoir juste à ses côtés. Elle est encore très faible.
J’entame une seconde fois toute l’histoire de ma rencontre avec les Elfes que les deux autres viennent ponctuer de diverses onomatopées et détails en tous genres, et c’est à la fin de mon récit qu’ils me cuisinent cette fois-ci tous les trois pendant une bonne vingtaine de minutes.

Au final, une seule question demeure sans réponse : que vais-je faire maintenant ?
Je la balaye d’un revers de la main, et nous restons silencieux tous les quatre un bon moment. Sab nous observe tour à tour, puis fixe intensément Alissa-Aline. Elle finit par se lever du canapé, puis de ses pas légers d’Elfe flotte vers la jeune fille. Elle s’agenouille devant elle, lui sourit en inclinant la tête sur le côté, puis, avec une extrême lenteur mêlée d’une profonde délicatesse, elle vient poser une oreille sur le ventre d’Alissa-Aline et la serrer tendrement autour de ses bras frêles.
Je suis étonné de ce geste et je suis presque prêt à me lever pour ramener Sab près de moi, mais mes deux amis semblent confiants. Arthur se frotte le menton l’air pensif, Ségui sourit lui aussi, et le bonheur, le vrai bonheur tel qu’il serait impossible à dépeindre s’installe sur le visage rond d’Alissa-Aline. Je ne comprends pas grand-chose, et c’est Ségui qui vient rompre le silence.

« Elle va avoir un bébé ! Me lâche-t-il en un large sourire.
– Qui ça ! Dis-je naïvement en sortant de ma rêverie.
– La fée clochette ! Répond-t-il d’un air désespéré avant de se reprendre tout de suite. Ben Aline espèce de quinquagénaire ! »
Ségui est la seule personne à pouvoir l’appeler de son véritable prénom. Comme la majorité des Importés, nous nous sommes tous inventés une nouvelle identité. Nous avons refoulé l’ancienne, nous l’avons laissé dans le passé.
« Mais comment ? Je rétorque en ayant l’air aussi abruti que mon robot médecin. »
Il me regarde intensément, et Arthur, l’autre hirsute rie doucement en lâchant des « hé ! hé ! hé » tout son corps se soulevant du fauteuil à chacun de ses spasmes.
« Tu veux réellement que je t’apprenne comment on fait ? Ironise-t-il ?
– M’enfin, t’as à peine 20 ans !
– J’en ai trente-cinq, merci de me le rappeler, bille ! »
C’est vrai qu’aucun de nous ne fait son âge, et qu’on a pas vraiment changé depuis notre arrivée dans cet univers, si ce n’est quelques rides et cicatrices qu’il nous arrive d’effacer parfois (nos péripéties ne nous laissent pas toujours en bonne forme !). La technologie est bien avancée ici, et l’on peut vivre facilement 200 ans ; Mais c’est pas de trop quand on passe le plus clair de son temps en décélération ou à vagabonder dans l’espace. Ségui ne fait pas plus de vingt ans. A vrai dire, dans les tréfonds de ma mémoire, il n’a jamais réellement perdu cette petite tête de blondinet post-adolescent qui entre dans la vie d’adulte avec un esprit de conquérant. Il a pourtant pas loin de trente-six ans, et cela en fait déjà dix qu’il parcourt l’univers en compagnie de sa moitié.
« Ben ça fait combien de temps ? Je m’étonne en pointant mon ventre d’un doigt.
– Trois mois ! Elle répond en se collant à Ségui qui passe doucement sa main dans ses longs cheveux blonds.
– Ben pourquoi vous ne me l’avez pas dit plus tôt ?
– Hé ! M’arrête Ségui. Surpris hein ? Il aurait au moins fallu que tu nous montres ta face depuis ! »
Je reprends mes esprits. J’ai vu beaucoup de naissances parmi les importés, mais pas dans mes proches, pas chez ceux que je connais réellement et que j’invite régulièrement à passer des vacances chez moi sur Epsilon Indi.
« Cela mérite bien le Champagne ! » s’écrit Arthur en se levant d’un bond de son fauteuil pour atteindre le bar au fond de mon salon, en sortir une veille bouteille très rare ainsi que cinq coupes qu’il distribue à tous, même à Sab qui regarde sous tous les angles l’objet de cristal. J’hausse un sourcil en la regardant revenir prés de moi. Arthur débouche la bouteille dans un grand bruit, les deux filles sursautent, et il remplit nos verres. Sab pose ses lèvres au dessus des bulles et goûte le champagne avec d’infinis précautions.
Les trois autres lèvent leurs coupes et m’attendent pour porter un toast, mais je hausse encore une fois un sourcil.
« Pas question ! Je lâche fermement.
– Pas question de quoi ? Me demande Ségui en haussant, lui, deux sourcils.
– Que je sois parrain, pas question ! »
Ségui me fait de grands yeux, Alissa-Aline prend un regard chagriné, et Arthur ouvre la bouche comme à son habitude.
« Mais c’est quoi Parrain ! Demande-t-il à Ségui tout en retombant dans son fauteuil.
– Rien, pas grand-chose, une veille coutume ridicule de chez nous ! » Lui dit-il un peu dans le vague.
Il lui explique brièvement en quoi cela consiste pendant que j’admire la belle Alissa-Aline qui ne parait pas avoir pris un gramme. Elle m’adresse toujours un sourire un peu triste que je lui rends puis finit par me lâcher de son air désolé :
« Et toi, tu peux pas grandir un peu et prendre quelques responsabilités ? Tu peux pas toi aussi finir par te caser ? »
L’image de mon Elfe me traverse l’esprit. Mon Elfe. Pourquoi ?
Sans réponse de ma part, elle ajoute juste après un soupir : « Tu changeras donc jamais hein ?
– Non ! dis-je doucement après quelques secondes d’hésitation. Tu as raison, c’est trop de responsabilités ».

L’atmosphère devenant glauque, Sir Arthur dans un grand déferlement de vœux s’adressant à tout le monde et à lui-même lève son verre, et chacun porte un toast et trinque avec les autres, sauf l’Elfe qui ne semble pas trop comprendre et nous regarde nous animer avec curiosité. J’essais de ne pas leur monter le fond de mes pensées, je me force à sourire. Sab nous imite et s’étouffe presque en buvant une seconde gorgée, mais elle est la première à tendre son verre lorsqu’Arthur approche la bouteille de nouveau. Il n’aurait jamais dû faire ça !

* * *

Vous savez, lorsque de grands bouleversements se déroulent dans l’Univers, il y a toujours des hommes et des femmes qui se révèlent. Cela a toujours été ainsi. Vous pouvez remonter dans le passé du monde qui vous habite et vous en trouverez. Certains sont devenus célèbres, d’autres sont restés dans l’ombre. De mon côté, je vous raconterai peut-être un jour quelques grands faits de l’histoire de l’exploration spatiale et des hommes et des femmes qui les ont servi.

Extrait de l’encyclopédie galactique sur l’exploration spatiale dont est équipé tout navire qui se respecte :
Sol : système stable avec 35 corps majeurs.
Système historique réputé à la fois comme le berceau de l’humanité et la capitale politique de la Fédération. Un système où la vie est prestigieuse et onéreuse, et un endroit très touristique. La plupart des êtres humains riches visiteront la Terre une fois dans leur vie. Toutes les grandes corporations possèdent leur siège social sur Mars, terraformée en 2286, qui est le centre principal de toute administration.

Il reste à pointer un objet du système pour en apprendre plus.

Planète Sol 3, notre terre, notre berceau, un de ses ports Stellaires Majeurs : Paris. Bien que j’ai adopté la langue galactique utilisée partout, il nous reste entres Importés Français le plaisir de nous exprimer dans notre langue natale, oubliée depuis longtemps là bas. Paris a subi bien des transformations depuis votre temps à vous, mais certains monuments prestigieux ont été conservés. Le musée du Louvres et sa prestigieuse école sont de ceux là, comme d’autres bâtiments, même si on l’a bien agrandi depuis. L’école fut même un passage obligé pour tous les explorateurs en quête de découvertes. Elle y a formé des centaines, des milliers d’explorateurs à qui l’on demandait un minimum de connaissances en archéologie, au cas où l’un d’entre eux découvrirait les traces d’une autre civilisation : qu’il sache au minimum quoi faire !

Comme je le disais, il y a de ces personnes qui, dans leur vie banale et insignifiante, peuvent devenir essentiels pour l’avenir si leur destin les y conduit. Aude Hanson, fille d’un des plus fameux pirates, et Flo T., issue d’une des familles les plus réputées de chasseurs de primes, sont de celles-la. Bien sûr, elles ont des antécédents parentaux hors du commun, mais elles ont choisi l’une et l’autre de ne pas y adhérer. Il y a quarante ans, elles avaient complètement renié leurs familles encombrantes dont la réputation s’étendait sur toute la galaxie pour se consacrer aux études archéologiques. Ne se connaissant dans leur première année d’études ni d’Eve ni d’Adam, elles étaient devenus très vite amies, leur passion identique et leur nom de famille auquel elles ne cessaient de tenter de se détacher les rapprochant très vite. Personne ne leur adressait trop la parole malgré tous leurs efforts pour essayer de s’effacer.
Elles se dévouaient corps et âme pour leurs études et leurs travaux de recherche, et le Professeur Richardson avait su les remarquer. Leur complicité était un atout de plus pour lui et la mission qu’il allait monter grâce à des financements de généreux donateurs, dont principalement Alista Marlbron, et d’une bonne partie de Croyants. Bien que les deux jeunes filles à l’époque aient fortement souhaité l’accompagner dans sa dernière expédition, il leur confia un autre travail : celui de garder un œil sur ses recherches. Il connaissait leurs antécédents, et c’était pour lui l’espoir de couvrir ses arrières. D’une certaine façon, et sa mort le démontra, il n’avait pas tord.

J’ai rencontré Flo lors d’un voyage de repos sur Paris. Je n’avais encore jamais visité le Louvres, même dans mon passé terrestre avant d’en être enlevé, et c’est dans une salle d’égyptologie peu occupée sur le moment que je suis tombé sur elle. Elle prenait des notes sur son carnet holographique face à des fresques de hiéroglyphes (le terme ne convient sûrement pas à des puristes, mais je n’ai que celui-là). Je me demandais ce que l’on pouvait trouver encore d’intéressant sur l’égyptologie ancienne, et elle avait surpris mon manque d’intérêt flagrant.
« Cela ne vous intéresse pas ? Questionna-t-elle.
– Euh, disons que je ne suis pas très passionné par tout ceci. Je suis d’habitude concentré sur ce que sera mon lendemain, alors retourner des milliers d’années en arrière… pfff ! Je lâchais en montrant d’un geste circulaire les hiéroglyphes qui nous faisaient face.
– C’est pourtant intéressant. Celui-là relate la mort d’un pharaon et la construction de la pyramide qui est devenue son tombeau ».
Elle dit cela d’un air très convaincant. Elle fut surprise de ma réponse :
« Cette pyramide est toujours en place en Égypte ou a-t-elle, elle aussi, été enfouie sous le développement anarchique de l’économie du Moyen-Orient ? Je ne suis jamais allé en Egypte, continuais-je en bon vieux français, ce sera peut-être pour une prochaine fois ! ».
Son regard se fit plus curieux à mon égard et ses cheveux très noirs ondulant sur ses épaules me firent apercevoir une fille vraiment belle.

Elle a continué à me raconter l’histoire des Égyptiens, elle aussi en français, comme si elle s’adressait à un visiteur de l’époque, mais à mon premier bâillement elle a compris que cela m’ennuyait. Ce n’était non pas sa présence, mais en tant qu’Importé, je connaissais vaguement l’histoire égyptienne… qui ne m’avait d’ailleurs jamais vraiment motivé. Elle me parut très vexée (pas doué sur ce coup là le petit gars), et pour me faire pardonner je l’ai invitée dans un restaurant chinois où je lui ai révélé d’où j’étais issu. Cela l’a bouleversé autant qu’étonné. Elle ne connaissait pas l’existence des Importés, comme la plupart de l’univers. Elle a commencé à me poser des centaines de questions les unes après les autres sur mon époque, nos « joyeuses » années 2000, mais elle s’est vite rendue compte que j’avais créé un barrage dans mon esprit pour l’oublier. Et elle finit par me laisser tranquille et lui raconter mes dernières expéditions.
Son comportement envers moi changea lentement, nous sommes sortis du restaurant, puis nous sommes allés prendre un verre dans un bar. A la sortie de celui-ci, sous la pluie, je n’ai pas pu m’empêcher de l’embrasser. Son visage était trop beau sous les reflets de la lune et les larmes du ciel s’écoulant lentement sur sa peau. Je n’entrerai pas plus dans les détails, mais nous avons passé une nuit merveilleuse dans son appartement. Je ne m’accorde jamais ce genre de relations éphémères d’habitude. Et comme je devais redécoller le lendemain assez tôt, je l’ai réveillée et je lui ai souhaité la meilleure vie possible. On savait tous les deux qu’on ne se reverrait peut-être jamais, et c’est avec un pincement au cœur que j’ai ordonné à Sony de nous faire quitter lentement l’atmosphère terrienne pour la destination où l’on m’attendait : un nouveau contrat.

Pourtant, à chacun de mes passages sur terre, et cela pendant une dizaine d’année, je n’ai jamais pu m’empêcher de la retrouver. Elle m’a toujours rappelé mon passé, et cette relation n’a jamais semblé la gêner. Lors de nos éphémères rencontres, elle ne me parlait plus d’archéologie mais écoutait toujours avec intérêt les péripéties de mes derniers voyages.

Plus tard, à l’un de mes retours… elle était mariée.

* * *

Voila, je vous ai présenté tous les personnages qui auront un rôle à jouer dans cette histoire. Enfin presque.

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